Un attrape-nigaud
« L’histoire de la « Roche mentouse » est plutôt une farce qu’une légende. Cette roche est une grosse pierre d’un mètre de hauteur environ, située au milieu d’une « ligne » dans les bois communaux. En mettant l’oreille contre la roche, on entend les coqs chanter en Chine ! C’est du moins ce que l’on affirmait aux personnes un peu simples. Une équipe de joyeux drilles emmenait le naïf qui avait « mordu à l’hameçon », près de cette roche et lui conseillait de mettre une oreille en haut du gros caillou ; l’ingénu s’exécutait, et, au moment où il approchait son oreille de l’endroit indiqué, l’un des plaisantins lui cognait – pas trop violemment pour ne pas le blesser – la tête sur la roche ; ce qui provoquait au pauvre niais des bourdonnements d’oreille assez longs. Inutile de décrire la colère de la victime trop crédule. »
É. Jean Bart, Vieux souvenirs d’un village de la Côte…
![C. B., la tête contre la roche Mentouse, à Marsannay-la-Côte, écoute les coques chanter en Chine.](https://pataras.modernes.art/wp-content/uploads/2020/05/roche-mentouse-2020-1024x768.jpg)
La ligne d’exploitation dont parle É. Jean Bart, monte depuis le Désert, en direction ouest – nord-ouest, traverse la route stratégique au cœur du Bois des Francs, et arrive en surplomb de la combe Semetrot. La Roche mentouse se situe à l’est dans une zone de plus forte pente où il faut franchir quelques marches.
![](https://pataras.modernes.art/wp-content/uploads/2020/05/Roche-mentouse-carte.jpg)
Derrière la farce, les légendes des pierres animées
La farce rapportée par É. Jean Bart peut être rapprochée d’autres farces relatives à des pierres « sonnantes ». Paul Sébillot en rapporte deux, et en ajoute une troisième relative à une pierre odorante :
« [Certaines pierres] passent pour rendre d’elles-mêmes un son. On invitait les simples à appuyer l’oreille sur la Pierre-ès-Sonnous qu’on voyait jadis à Saint-Brieuc, pour entendre le chant des fées ; alors le mauvais plaisant de la troupe poussait brusquement contre la pierre la tête du mélomane ; à Moret, on cognait sur le bloc de la Fée qui file la tête des crédules qui en approchaient l’oreille pour entendre le bruit du rouet enchanté.
[…] On dit aux naïfs que la Pierre au poivre, grosse roche naturelle entre Thionville et Chalou-Moulineaux (Seine-et-Oise), sent le poivre, et l’on invite le novice à s’en assurer ; pendant qu’il aspire pour s’en rendre compte, on lui frappe le nez contre le rocher. »
Paul Sébillot, Le Folklore de France, Paris, E. Guilmoto, 1904-1907, t. I, p. 328-329.