Les carrières de la Côte

À Marsannay la rue du Carre (et non du Carré, comme on l’écrit trop souvent  !) conserverait la mémoire d’un chantier de tailleurs de pierres, sans doute celles qui étaient extraites dans les carrières du Rosey. À moins que le mot ait le sens de coin, régionalisme mentionné par Mignard et Taverdet — les Suisses romands désignant encore de la sorte un angle. Mais une carre est aussi une pierre d’angle  !

Les traces de carrières abandonnées, parfois très anciennes, existent de Chenôve à Nuits, tout le long de la Côte. Certaines sont devenues des vignobles, ce qui suppose qu’on y a transporté de la terre – les parois minérales, en augmentant la chaleur, y favorisent le murissement des raisins.

Parmi les carrières de la Côte actuellement en activité, les plus connues sont celles de Comblanchien. Par extension le comblanchien est le nom de tout le calcaire compact qu’on extrait sur la Côte et qui date du Bathonien supérieur (Jurassique moyen).

Courtépée

«  Toute la pente de la Côte et de l’arrière-Côte n’offre que des carrieres de pierres à bâtir, ou propres à être employées dans les ouvrages polis, comme tables, cheminées, &c. On s’est d’abord servi, pour bâtir dans la capitale, des carrieres de Chenôve et d’Asnieres, qui sont à la superficie de la terre  tous nos anciens édifices, même les tours & les murs de Dijon, décrits par Grégoire de Tours, & les monumens trouvés après leur démolition, en font foi  : ces pierres sont d’un blanc pâle, pleines, entières & tendres  mais en même temps elles sont sujettes à geler, à s’étonner, à s’user en leurs paremens, & à s’affaisser sous le poids des constructions  ; inconvéniens qui les ont fait abandonner. La pierre d’Asnieres étant d’un grain plus fin, a été réservée pour les statuaires. Les carrieres de pierre dure, propres à bâtir, n’ont été ouvertes que bien postérieurement, à cause de leur profondeur  elles sont près des Chartreux/ on nomme pierre franche celle qu’on en tire […]
Il y a une infinité d’autres carrieres le long de la Côte, comme à Marçannay, Couchey, Fixin, Brochon, Gevrey, Vougeot, Nuys, Corgoloin, Premeaux, la Doué, &c. Leur couleur en général, est d’un rouge vineux, piqué de blanc, & leur nature est à peu près la même  elles diffèrent toutes des précédentes, en ce qu’elles ont la couleur & presque la qualité du porphyre, sur-tout celle de Fixin, qui mérite la préférence sur toutes les autres, & à laquelle il ne manque que d’être vitrifiable, pour avoir toutes les qualités du vrai porphyre des Anciens, dont elle a la couleur, les taches blanches le grain, la finesse & le poli.  toutes ces pierres sont peut-être les meilleurs du Royaume, par leur dureté & par le beau poli dont elles sont susceptibles, comme on peut s’en convaincre par les différents ouvrages auxquels on les emploie, tels que des retables, autels, marches, pilastres, vases, cheminées, parements, obélisques, &c. &c.  »
Claude Courtépée & Edme Béguillet, Description générale et particulière du duché de Bourgogne, précédée de l’abrégé historique de cette province, Dijon, Frantin, 1775. Tome 1, p. 409-412.

Chenôve

Pierre Rat, cite un document de 1769* (antérieur au texte de Courtépée) qui fait état des carrières de Chenôve.
*Taisand, « Sur la nature, la propriété et la manière d’exploiter la pierre des carrières de Dijon », Mémoire présenté à l’Académie des sciences, arts et belleslettres de Dijon. À Dijon, chez Louis Hucherot, 1769.

«  La carrière de Chenôve est située sur la rampe de la montagne  ; elle est couverte de gazon et s’étend jusqu’au milieu de la rampe, côté levant, dont la partie inférieure est plantée de vignes qui produit un très bon vin  ». Il ajoute (p. 5) : «  Cette pierre est d’un blanc pâle, pleine, entière et tendre, mais susceptible de la gelée, de s’étonner, fuser en ses paremens. Ce sont ces inconvéniens, qui ne sont néanmoins arrivés que parce que la pierre n’était pas assez pétrifiée, qui sont vraisemblablement la cause que l’on l’a abandonnée. »
Aucun doute, d’après cette description et la localisation de l’affleurement, il s’agit de ce que nous appelons «  l’Oolite blanche  » (Oolite blanche de Bourgogne), une assise d’une quarantaine de mètres d’épaisseur, d’âge Jurassique moyen (étage Bathonien) et d’une très vaste extension dans les plateaux de Côte-d’Or.
De plus on retrouve bien les traces d’anciennes carrières, au bas de la partie boisée de la Côte, juste au-dessus du vignoble, au sud de la petite route montant sur le flanc de la combe Morisot : un terrain chaotique, non plus «  couvert de gazon  », mais envahi de broussailles ou planté de pins. Des pierrailles, des tas de déblais, des fragments d’anciens fronts d’exploitation. Au-dessus, la roche devient plus compacte, plus dure : c’est le calcaire de Comblanchien qui n’était pas exploité.
On peut suivre actuellement vers le sud, dans les bois et les broussailles, ces restes d’extraction sur près de 2 km, à peu près jusqu’à la limite des communes de Chenôve et de Marsannay, juste au-dessus des vignes.
Le plan directeur à 1/20.00O’ de l’Armée (levés de 1876-77) figure ces restes, notamment au lieudit «  la Cave aux loups  ». Questionnant sur l’existence d’anciennes carrières un vigneron au travail dans la vigne, j’ai eu cette réponse  : «  Dans la vigne haute, on m’a dit qu’on avait remblayé  ».
Pierre Rat, « Les plus anciennes carrières avec lesquelles on a bâti Dijon », Mémoires de la Commission des Antiquités delà CÔte-d’Or, T. XXXVII, 1993-1996, p. 197-216.

Anciennes carrières à Chenôve, au-dessus du Chapitre Les fronts de taille sont lisibles sur la carte IGN (en orange).

Ancienne carrière à Chenôve, à droite de l’entrée de la combe Morizot, au sud du Chapitre Le front de taille est lisible sur la carte IGN (en orange).

Carrière à Chenôve, carte postale, coll. Bureau de tabac.

Anciennes carrières de Chenôve, sur le plateau. Elles ont été occupées ensuite par le stand de tir de l’armée. Les fronts de taille sont lisibles sur la carte IGN (en orange).

Marsannay

La déchèterie actuelle de Marsannay est à l’emplacement d’une ancienne carrière. Elle a été précédée par une décharge municipale «  contrôlée  »  !

La décharge municipale de Marsannay, à l’emplacement de l’actuelle déchèterie, carte postale, Optique Sociale, Genlis, vers 1980 ?

La carte IGN montre tout un étagement de fronts de taille, au pied du plateau de Chenôve, à droite de l’entrée de la combe du Pré.

La déchèterie était auparavant en montant le chemin des Rosey, en lieu et place d’une autre ancienne carrière.

Ancienne déchèterie de Marsannay, elle-même aménagée dans une ancienne carrière à Marsannay. Aujourd’hui, une vigne. photographie ChB, 11 février 2020.

Le front de taille de ces anciennes carrières est visible sur la carte IGN (en orange).

Fixey

Une ancienne carrière est sur la droite, à l’entrée de la combe Laveau :

Le front de taille est lisible sur la carte IGN (en orange).

Brochon

La carrière Macillet à Brochon, carte postale, Muet-Sirugue, envoi du 29 août 1914.

Des carrières se trouvaient de part et d’autre de l’entrée de la Combe de Brochon. L’ancien front de taille est lisible sur la carte IGN (en orange).

Combe au moine (Gevrey)

Ancienne carrière occupée aujourd’hui par un vignoble.

La Combe au moine (source : Monocépage)

 « Combe au Moine (4,77 ha) : Sauf sur un liséré de Marnes à Ostrea acuminata tout au haut, son soubassement est formé de Calcaire à entroques. Quelque peu entaillé à son sommet par une mini combe, son dénivelé est de ±35 mètres, entre les altitudes très élevées de ±325 mètres à ±360 mètres. Ce climat comporte singulièrement de profondes empruntes d’excavations ; les parois de carrières médiévales sont nettement visibles. Ce serait un euphémisme de souligner l’irrégularité de la pente. Ces carrières sont cependant des fours solaires et le raisin y mûrit bien. Jacky Rigaud (Gevrey-Chamberin, Joyau du terroir) écrit que «  les puissants abbés de Cluny (les seigneurs de Gevrey au Moyen-Age), qui construisirent le château fort à ses pieds au 10e siècle, l’exploitèrent jusqu’à la Révolution…  ». Dans son ouvrage monumental ‘Le vignoble de la côte bourguignonne’ (1967), Rolande Gadille indique que le Calcaire à entroques était un matériau de construction privilégié. Il n’y qu’un pas à faire pour concevoir que le Château de Gevrey, en contre-bas du lieu-dit Combe au Moine, est bâti de pierres qui en sont issues. Ce contexte n’est pas inusité puisque un nombre de carrières jalonnent La Côte, entres autres sur des terroirs nobles. À ces endroits, de la terre y a donc été transportée, substantiellement. Quelle bagne ce fut sans engins motorisés. Et d’où migre cette terre ? Ceci dit, la Combe au Moine est classée en ‘Troisième Cuvée’ par Jules Lavalle. » (source : Gilles Martin, Monocépage)

La Combe aux Moine se trouve en haut des vignes, à hauteur du cimetière, à gauche du chemin qui monte aux Friches. L’ancien front de taille est lisible sur la carte IGN (en orange).

Chambolle

Carrière, route de la Combe à Chambolle, carte postale, L.V. édit., envoi du 24 juillet 1903.

Cette carrière se trouvait à l’entrée de la Combe Ambin, à gauche de la route qui monte à Curley. La vue ci-dessus est prise dans le sens de la descente. L’ancien front de taille est lisible sur la carte IGN (en orange).

D’autres carrières se trouvaient sur le plateau, au-dessus de Chambolle, entre La Poirelotte et La Taupe.

Corgoloin

Carrière à Corgoloin, carte postale, Nuits, C. Coron.

La taille se faisait sur place. Sur l’image, on distingue des toiles tendues en biais pour protéger les tailleurs du soleil.