Moitre Antone

Une rimaillerie du début du XIXe siècle met en scène  Moitre Antone, le chantre de l’église de Marsannay.

Elle est rapportée par Clément-Janin. Une carte postale du début du XXe siècle en cite un extrait. Jean Bart en a raconté l’origine. il a lui-même écrit une rimaillerie mettant en scène ce même « Moitre Antone ».

La version de Clément-Janin

« Jadis on chantait beaucoup à Marsannay, et des vignerons, de véritables vignerons, y faisaient des rimailleries à décourager tous les chaingenai apocryphes de Chenôve. Qui ne se rappelle le père Quinard et sa jolie chanson ? Il semble que Chicheret, le joyeux maître d’école, la chante encore en s’accompagnant d’une guitare des plus fantaisistes :

« Ai Massanay,    (bis)
Venez-y teurtô po entendre
Ai Massanay,     (bis)
Dans l’église entendre conai.
Vous y voirai le moitre Antone
Que sôfleurai dedan sai cone,
Ai Massanay  ! (ter)

« Dans le lutran
El y tin lai premère  plaice  ;
Dans le lutran
Son supli, mai cone en sai man,
On n’aivoi jaimoi de lai vie
Vu pairoille  musiquerie
Dans le lutran !

« Mossieu Marcand
Câ note vénérable préte,
Mossieu Marcand
Cât’ein home qu’à bé faisan  :
Po sôlaigeai le moître Antone
El ai fai rélongui sai cone,
Mossieu Marcand  !

« Mossieu Daisey
Çâ note respectable maire ;
Mossieu Daisey
El en ai ri le fin premei.
Aussi po poyai son salaire,
En quête ai li farai faire,
Mossieu Daisey  !

« Tô lé moissieu
En étein en réjouissance,
Tô lé mossieu
El en aivein le cœu joyeu  ;
El étain en si grand’ plaisance
Qu’el en allein dé contredance,
Tô lé mossieur  !

« Lé dame aitô
Eclaitein tôrtôte de rire,
Lé daime aitô
El en riain dan lo jaibô  ;
S’ai n’aivo étai dan l’église,
El en pissein dan lo chemise,
Lé dame aitô. »

Clément-Janin, Sobriquets des villes et villages de la Côte-d’Or, 2e éd., Dijon, F. Carré, 1880.

Une carte postale du début du XXe siècle

Cette carte postale fut publiée par le bureau de tabac, situé alors rue de l’Argillère. La même a également été publiée sans le texte de la chanson.

Moitre Antone
Cpa, Marsannay, éd. Desvigne, envoi du 29 avril 1912

L’origine de la chanson primitive

(Jean Bart, Bulletin municipal de Marsannay, mars 1979.)

« C’est le père Quinard, vigneron patara, qui écrivit cette chanson, à l’occasion de l’achat d’un ophycleide, offert par le curé « Marcand » au « moître Antone », chantre de la paroisse. c’est l’une des plus vieille chanson de la côte parvenue jusqu’à nous.
« Monsieur Dézé, négociant, fut maire de la commune de 1800 à 1811.
« Jadis, nos ancêtres la chantaient, paraît-il, à toutes les réunions de famille.
« En 1898, eut lieu à Marsannay une cavalcade, organisée par la fanfare «  la Patriote  ». Pour financer cette mascarade, plusieurs milliers d’exemplaires de cette chanson furent vendus, tant à Dijon que dans les villages de la Côte  ; la chanson coûtait 10 centimes. À l’époqiue, il y avait déjà des resquilleurs qui ne donnaient que la moitié du prix demandé, prétextant ne pas avoir de monnaie  ! Un vendeur parmi tant d’autres, l’Arthur Charlopin, un jeune et joyeux drille, lorsqu’il avait affaire à l’un de ces mauvais payeurs, déchirait la chanson dans le sens de la longueur, de façon qu’il ne reste pas un couplet entier.
« Té, disait-il, t’en ê po ton p’tit sou… «  »

Le Chantou de Massanay

Moitre Antone et la Fanchette qui trouvait que le chantre buvait trop. Histoire rimaillée (Jean Bart, Vieux souvenirs d’un village de la Côte…)

« Le matre Anton’, gai veigneron
« Ai Massanay dan le lutrangne
« Tôjo su i bé jôli ton
« Chantoo lé laude è lé maitangne.
« Or don vôlai qu’i biaa maitin
« Not’ chantou étan su son do,
« Sai fann’ fi veni i méd’cin
« Et d’aibor lui tin cé prôpo  :
«  ln’ sai pa ce qu’ai mon mairi
«  Ma, ç’ qui sai bé, çaa qu’é boi d’ trève
«  Et qu’è vai bétoo en meuri
«  Si aujd’heuïlle vo n’ lui fait’ pa pève.
«  Aitô, pendan que’ vos ét’ lai
«  Airangé vo po qu’é beuv’ moin  !  »
Bé dé fanne de Bareuzai…
Pa tôjo prôdigu’ de tan d’ soin
Teune ai peu prée ce minm’ langaige  !  !
Don, l’ docteur s’épruch’ du veign’ron
Qu’ai compri d’ sai fann’ le manège
Le taate de tôt’ lé faiçon,
Peu, greulan lai téét gravemen
Di  : «  ce n’est qu’un rhume ordinaire
«  Mais ç’ qui m’inquiète énormément
«  C’est votre foie…. une sale affaire  !  »
Lai d’ssu Fanchett’ renchérissan  :
«  L’ docteur Méchin t’ l’aivoo bé di
«  Qu’ si tu beuvoo tôjo autan
«  Tu n’ tarderoo guére ai meuri…  »
Et l’ jeun’ saivan, pien d’importance  :
«  C’est la cirrhos’ sans aucun doute
«  Qui vous guette à brève échéance…  »
Not’ canc’nelle en étoo ben aise…
«  Vo palé qu’men le docteur Cheuze
«  I bé biaa hom  !, ne vo dépiaise  »
Minaudoo Fanchetle lai gueuse…
«  Si vous avez vu deux confrères
«  Pourquoi m’avoir appelé ici  ?  »
Di l’ cairaibin tôt en côlère…
Alor l’Anton’ qu’aivoo, compri
Tôt’ lé mainiganç’ d’ lai Fanchette  :
«  N’ vo fâché pa… car è son mo
«  Tô lé deu en ai bell’ lurette  !
«  Jadis é oui  ! – è v’nin ché no
«  Tô les an pendan lé vaicance  »
«  E bé sur i n’ seroo pu lai
«  Si j’aivoo pri los ordonnance
«  Car vo me croiré si vo v’lai
«  E veulein m’ faire boir’ de l’iaa  !  !
«  Ecouté me – jeune r’beutou
«  Po qui n’ chant’ pa vo Libera
«  N’ beuvé pa d’iaa… ai peu surtou
«  Ai vo mailaid’… n’en baillé pa  !  !  »