Le Meix

En 1790, lorsqu’on fit l’inventaire des biens de la paroisse de Marsannay-en Montagne qui venaient d’être nationalisés et qui allaient être vendus, une vigne est située «  en Meix Challot  » (devenu Méchalot).
Cf. Arch. dép. de la Côte-d’Or, Q1-18.

[Plusieurs lieux-dits de la Côte viticole ou de la plaine portent le nom de « Meix » : le Meix Trouhans, à Fixey; le Meix Bas, à l’entrée de la combe de Fixin ; un second Meix Bas et une rue du Meix Tringuet, à Brochon ; à Gevrey, le Meix des Ouches et une  rue de Meixvelle, laquelle se prolonge en rue des Mées (!) ; le Meix brûlé, à Rouvres-en-Plaine…]

Dans les anciens textes juridiques bourguignons – mais le mot se rencontre aussi dans des provinces voisines –, un meix est une petite exploitation rurale groupant une habitation, une basse-cour et quelques lopins attenant. Les auteurs rapprochent le mot du provençal mas ; on pourrait également évoquer la masure (définie par Paul-Émile Littré comme la «  méchante habitation qui semble menacer ruine  »). D’ailleurs, le même auteur retient le mot meix dans son dictionnaire, défini comme  «  terme d’ancienne coutume. Habitation d’un cultivateur, jointe à autant de terre qu’il en faut pour l’occuper et le nourrir  ». Selon les textes bourguignons médiévaux le mot s’applique indifféremment soit à l’ensemble des biens exploités par un paysan, soit à la maison seulement, et les auteurs indiquent des synonymes utilisés dans d’autres provinces  : alberge en Bresse et en Savoie, hébergement dans la Marche.

Le terme est issu du latin du haut moyen-âge mansus (ou mansio qui a donné aussi maison)  ; son apparition ou son usage évoquent le système d’exploitation des anciennes villæ gallo-romaines devenues franques  : de très vastes domaines pouvant regrouper des centaines, voire des milliers d’hectares dont la culture est répartie entre de multiples familles de tenanciers, pour le compte de grands personnages laïques ou ecclésiastiques, moyennant redevances ou obligations diverses : procédé du chasement ou du tènement. Chaque tenure est dès lors un mansus = endroit où l’on demeure (manere). Au surplus, à cette époque, la qualité du premier tenancier caractérise la tenure elle-même  : si c’est un homme libre le manse est appelé «  manse ingénuile (libre)  »  ; il est d’ailleurs plus vaste. Si c’est un esclave ou non-libre, le manse est dit servile.

Manse et meix sont ainsi devenus synonymes, mais au cours des siècles, le terme meix l’a emporté. Cependant, au cours des derniers siècles de l’Ancien Régime, en Bourgogne, le mot tend à être réservé à la maison ou à la terre de ceux qui sont «  mainmortables  », c’est-à-dire qui ne sont pas totalement libres, mais frappés par des incapacités juridiques rappelant l’ancienne servitude. Ainsi, l’article 4 du titre IX de la coutume officielle du duché de Bourgogne, rédigée en 1459, dispose : «  Ung meix assis en lieu de mainmorte et entre meix mainmortables est réputé de semblable condition que sont les autres meix mainmortables dudit lieu s’il n’y a tiltre ou usance au contraire  ». Le mot est aussi utilisé de la même manière dans d’autres articles du même titre de la coutume.

photo ChB, 8 septembre 2018.
photo ChB, 8 septembre 2018.