Charivari

La Promenade de l’âne, carte postale éditée à l’occasion du charivari du 21 mai 1905.

Le témoignage d’É. Jean Bart

LE CHARIVARI.

« Cette très vieille coutume n’est pas spécifiquement bourguignonne, contrairement à ce que l’on croyait dans notre région. On la signale en Angleterre au XVIe siècle, et un peu partout en France. On «  menait  » le charivari lorsque, par exemple, un jeune homme épousait une dame un peu mûre, ou lorsqu’entre le marié et la mariée, il y avait une trop grande différence de situation. Chez nous, les raisons étaient autres. Voici les causes qui provoquèrent les deux charivaris dont j’ai été témoin. Mais auparavant, quelques mots sur divers usages suivis à l’occasion des mariages. »

LA MENÉE DE L’ÂNE

« J’étais gamin lorsque cette coutume fut suivie pour la dernière fois. Il faut dire que pour mener l’âne, il fallait, primo qu’un mari batte sa femme en public, ce qui n’est pas tellement fréquent ; secundo, que la correction se situe au mois de mai, ce qui laissait au mari cruel onze mois pour taper sur sa femme sans être exposé au déshonneur de se voir « mener l’âne ». Un souvenir m’est resté de cette mascarade : celui d’une frousse terrible. Une tante qui me gâtait beaucoup était venue me chercher pour que j’assiste à cette scène exceptionnellement rare. C’est grâce à elle si je peux, plus de soixante-dix ans après, décrire cet ancien usage.
Devant un cortège composé de jeunes gens munis de gamelles leur servant de tambours, un âne était conduit par la bride ; sur cet âne, l’un des garçons était monté à califourchon et à l’envers (la tête du côté de la queue de l’animal). Derrière, un cheval tirait une « bréarde » sur laquelle était placé un tarare, mais à la place des graines, c’était des cendres qui étaient projetées sur tous les curieux accourus dans la rue. Le bruit, la poussière, tout ce tintamarre m’avaient véritablement effrayé et c’est en pleurant que je rentrai à la maison. Les anciens prétendent que cette coutume remonte au moyen âge. »

Note : la bréarde est une voiture à deux roues et à ridelles. Le tarare est une petite batteuse à main qui, par ventilation, sépare les grains de la balle.

Bibliographie

  • Claude Noirot, L’Origine des masques, mummeries, bernez et revenez es jours de caresmeprenant, menez sur l’asne à rebours et charivary, Langres, 1609.
  • Jean-Baptiste Thiers, Traité des superstitions, selon l’Écriture sainte, les décrets des conciles et les sentiments des saints-pères, et des théologiens, t. IV, Paris, Jean de Nully, 1704 : « des superstitions qui regardent le mariage ».
  • Gabriel Peignot, Histoire morale, civile, politique et littéraire du charivari. Depuis son origine, vers le IVe siècle / par le docteur Calybariat,… [G. Peignot]. suivie du complément de l’histoire des charivaris : jusqu’à l’an de grâce 1833 / par Éloi-Christophe Bassinet,… [G. Peignot], Paris, Delaunay, 1833.
  • M. P. Billiet, « Les anciens charivaris de Gissey-sur-Ouche (Côte-d’Or) », in Travaux de linguistique et de folklore de Bourgogne, publié par la Commision de Linguistique et de folklore de Bourgogne, t. I, Dijon, ABSS / L’Arche d’Or, 1958, p. 104-105.
  • E. P. Thomson, « Le charivari anglais », Les Annales, Paris, mars 1972.
  • Jean-Claude Margolin, « Charivari et mariage ridicule au temps de la Renaissance », in Les Fêtes de la Renaissance. 3, quinzième Colloque international d’études humanistes, Tours, 10-22 juillet 1972, études… réunies et présentées par Jean Jacquot et Élie Konigson, Paris, CNRS, coll. « Le Chœur des muses », 1975.
  • Le Charivari, cat. de l’exposition (Paris, Musée national des arts et traditions populaires… 25 avril-16 mai), organisation Secrétariat d’État à la culture, Musée national des arts et traditions populaires et Secrétariat d’État aux universités, École des hautes études en sciences sociales, 1977.
  • Le Charivari, Actes de la table ronde organisée à Paris (25-27 avril 1977) par l’EHESS et le CNRS, sous la dir. de Jacques Le Goff et Jean-Claude Schmitt, Paris, EHESS / Mouton, 1981.
  • Christian Desplat, Le Charivari en Gascogne. La “morale des peuples” du XVe au XXe siècle, Paris, Berger-Levrault, 1982.
  • Henri Rey-Flaud, Le Charivari. Les rituels fondamentaux de la sexualité, Paris, Payot, 1985.
  • Jean Bart, Charivaris et Menées de l’âne, Précy-sous-Thyl, L’Armançon, 2013.

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